14. Libre

Publié le par Jo

LORSQUE j'ai atteint cinq mois sans fumer, j'ai senti que je passais un tournant important, et que j'atteignais le cap fixé souvent à six mois, celui où on passe de la phase très active de l'arrêt à une phase de consolidation, où on ne gère plus tant les envies quotidiennes que les envies futures : comment agir aujourd'hui, que dois-je comprendre aujourd'hui pour ne pas risquer de refumer un jour ? Quelques semaines plus tard, j'ai senti que, oui, j'avais bien atteint ce tournant.

 

Puis lorsque j'ai atteint neuf mois sans fumer, j'ai senti que c'était à nouveau un cap important : j'ai commencé à apercevoir le non-fumeur en moi, celui qui n'organise plus ses journées en fonction du fait qu'il a fumé et arrêté de fumer. Mais l'arrêt du tabac continuait à être un axe important de ma vie. J'étais encore en phase de consolidation, mais en train de passer peu à peu de l'autre coté de la barrière.

 

Enfin, lorsque j'ai atteint un an sans fumer, j'ai senti que j'étais de plus en plus libre, j'ai eu l'impression que la dépendance avait disparu. Depuis (j'ai arrêté depuis près de quatorze mois), ce sentiment de liberté grandit, grandit, grandit. C'est incroyable, cela fait trois mois que j'ai l'impression de petit à petit avoir plus de consistance, de matière. Le vide dont beaucoup parlent après quelques mois sans fumer, je ne le sens plus en moi : le cerveau a repoussé, tissé sa toile et peu à peu comblé le trou. Alors le nouveau tissu qui vient combler ce vide n'est pas encore tout à fait au point, et mes capacités de concentration et de mémorisation ne sont pas encore revenues à la normale. Mais je me sens entier. J'ai retrouvé mon intégrité.

 

Aujourd'hui, j'admets complètement que mon état pré-dépressif, que je continue à traiter par médicaments, est apparu à l'occasion de l'arrêt du tabac mais que l'arrêt du tabac n'en est pas la cause.

 

Je me suis totalement libéré du tabac, comme le singe qui s'est échappé de sa cage et a retrouvé la forêt. Et je vous jure que plus jamais je ne m'approcherai d'un chasseur : si avoir été fumeur dépendant me laisse plus fragile à la dépendance que la moyenne, cela me laisse aussi plus méfiant.

 

Je suis un homme libre, libre comme je ne l'ai pas été depuis mes vingt ans, libre comme je ne l'ai pas été depuis vingt-et-un ans. Cela mérite que je passe du temps à réfléchir à ce que je veux faire de cette liberté nouvelle. Cela mérite que je ne prenne mon état pré-dépressif ni trop à la légère, ni trop au sérieux. Cela mérite que je prenne le temps d'apprendre la liberté. J'ai toute la vie devant moi pour en profiter !

 

 

Jo

Publié dans Ma vie sans tabac

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