16. Où et quand a-t-on le droit de fumer ?
L'INTERDICTION de fumer dans les locaux professionnels, puis dans les cafés et restaurants m'a semblé, alors que je fumais encore, être une très bonne chose. Faut-il aller plus loin dans l'interdiction, et interdire de fumer dans la rue ? de fumer le matin ? de fumer quand on est assuré social ? de fumer quand on a des enfants ? Qu'est-ce qui justifie d'interdire de fumer ?
Point de départ du raisonnement : le tabac est un produit toxique et addictif, et ne présente pas d'utilité publique manifeste. Cela le distingue des produits qui n'ont ni toxicité ni utilité publique (par exemple, Carla Bruni, même si elle n'est pas d'utilité publique, n'est pas toxique, et il n'y a donc pas de raison de l'interdire) ou des produits qui sont à la fois toxiques et d'utilité publique (on ne peut pas interdire les armées, parce que, bien qu'elles soient à la fois toxiques et addictives, il arrive hélas que la Nation en ait besoin). Ce point de départ nous amène très vite à un premier résultat important : aucune utilité publique ne venant compenser la nocivité du tabac, on ne peut imposer à quiconque d'inhaler de la fumée de tabac contre son gré. Il en va de la santé, donc de la vie. Le droit de chacun à ne pas inhaler de tabac est un droit humain fondamental.
Pourtant, le fumeur est maître des décisions qu'il prend concernant sa santé. De ce point de vue, il est libre de fumer. L'impact que cela peut avoir sur les comptes de la sécurité sociale n'empêche en rien que nous sommes là dans le domaine de la liberté de chacun quant à sa santé. Je me souviens d'une très intéressante BD d'anticipation, qui explorait une société totalitaire où la sécurité sociale imposait des modes de vies « sains », décidant du lieu où chacun passerait ses vacances en fonction de son état de santé, de ce que chacun mangerait au restaurant, de chaque détail de la vie quotidienne, et où ne pas se brosser les dents régulièrement pouvait amener le « rebelle » à être radié de la sécurité sociale, n'avoir plus aucun accès au système de soins et se retrouver au ban de la société dans une existence clandestine. Notre société est démocratique, et le droit de chacun à fumer doit être reconnu comme une liberté publique.
De ces deux droits, l'un est un droit humain fondamental alors que l'autre est une liberté publique. Cela siginifie que, lorsque ces deux droits sont en concurrence, c'est le droit de ne pas inhaler de tabac qui doit l'emporter : le droit à la vie prime sur la liberté de fumer.
On peut décrire plusieurs situations où ces deux droits entrent en conflit.
• Dans les lieux où il est inévitable que de la fumée soit inhalée par des personnes qui ne le souhaitent pas
Ce premier cas justifie l'interdiction de fumer dans les locaux professionnels, les établissements recevant du public et les transports publics. Chacun doit pouvoir, s'il le désire, travailler, aller chez le médecin, faire ses courses, aller au cinéma et prendre le train sans respirer de tabac. Même les fumeurs ont ce droit, et quand je fumais j'appréciais beaucoup les lieux non-fumeurs.
• Lorsqu'une personne impose sa fumée à une personne qui ne le souhaite pas
Ce second cas amène le non-fumeur à estimer s'il peut facilement éviter la fumée (par exemple en choisissant une autre table à une terrasse, ou en s'éloignant de son interlocuteur) ou si elle lui est imposée (par exemple parce qu'il y a des fumeurs répartis sur toute la terrasse ou que son interlocuteur et lui sont dans un véhicule). S'il n'a pas le choix, il doit alors pouvoir demander au fumeur de s'abstenir ou de s'éloigner. Cela justifie que le tabagisme soit autorisé dans la rue, puisqu'on arrive assez facilement à se tenir à l'écart des fumeurs, mais cela justifie aussi que les fumeurs veillent à se placer un peu à l'écart pour laisser aux non-fumeurs un espace sans tabac (par exemple en allant fumer tout au bout du quai de gare plutôt que juste devant l'escalier). Nous avons donc là de nécessaires compromis, qui se règlent le plus souvent par la politesse courante ou des négociations plus explicites, mais qui sont parfois sources de conflit. Pourtant, il serait à mon sens exagéré d'interdire de fumer dans la rue car, avec un peu d'attention, il est possible d'y fumer sans gêner personne.
• Lorsqu'une personne impose sa fumée à une personne qui ne peut exprimer de refus
Ce troisième cas justifie notamment qu'aucune fumée de tabac ne soit imposée à des enfants. Tout lieu que fréquentent des enfants, et en premier lieu leurs domiciles, doivent être interdits au tabagisme. Certains parents ne fument qu'à l'extérieur de leur logement, mais de trop nombreux parents exposent leurs enfants au tabagisme passif pendant des années, ce qui est toxique de façon directe, et également de façon indirecte puisque cela peut entraîner une dépendance à la nicotine et augmenter le risque pour l'enfant de devenir un jour fumeur.
• Lorsqu'une personne est amenée contre son gré à fumer elle-même
Il est évident que la publicité n'est pas un échange sincère d'informations objectives, mais utilise des techniques de conditionnement pour faire prendre à une personne une décision qu'elle ne prendrait pas si on la laissait raisonner objectivement. Il s'agit de manipulation mentale visant à amener des personnes à pratiquer contre leur gré une activité qui peut s'avérer mortelle. Toute publicité pour le tabac, même indirecte, devrait être interdite. Il en va de même de toutes les formes de lobbying contre les campagnes de prévention, qui visent à limiter, par le mensonge, la compréhension des méfaits du tabac. Il en va de même de tous les additifs qui servent à augmenter la dépendance à la nicotine (l'ammoniaque, notamment) : ces additifs devraient être interdits. Nous ne sommes pas dans l'opposition loyale de deux groupes d'intérêt : le tabagisme est toxique, alors que la lutte contre le tabagime est d'utilité publique.
Ce bref tout d'horizon me permet de savoir comment je me situe.
• D'abord, je suis pour la liberté de fumer, mais seulement quand elle ne viole pas de droits fondamentaux, et notamment le droit de chacun à ne pas inhaler de tabac.
• Deuxièmement, je suis pour des campagnes défendant le droit à ne pas inhaler de tabac. Il ne suffit pas de lutter contre le tabagisme, il faut aussi lutter pour le non-tabagisme, y compris chez les gens qui n'ont jamais allumé une cigarette.
• Enfin, je suis pour l'interdiction de fumer dans les logements où habitent des enfants. Cette dernière proposition peut surprendre, mais plus j'y pense et plus je me dis que, dans vingt ans, nous serons choqués de nous souvenir que nous avons pu fumer en présence d'enfants.
Jo
Point de départ du raisonnement : le tabac est un produit toxique et addictif, et ne présente pas d'utilité publique manifeste. Cela le distingue des produits qui n'ont ni toxicité ni utilité publique (par exemple, Carla Bruni, même si elle n'est pas d'utilité publique, n'est pas toxique, et il n'y a donc pas de raison de l'interdire) ou des produits qui sont à la fois toxiques et d'utilité publique (on ne peut pas interdire les armées, parce que, bien qu'elles soient à la fois toxiques et addictives, il arrive hélas que la Nation en ait besoin). Ce point de départ nous amène très vite à un premier résultat important : aucune utilité publique ne venant compenser la nocivité du tabac, on ne peut imposer à quiconque d'inhaler de la fumée de tabac contre son gré. Il en va de la santé, donc de la vie. Le droit de chacun à ne pas inhaler de tabac est un droit humain fondamental.
Pourtant, le fumeur est maître des décisions qu'il prend concernant sa santé. De ce point de vue, il est libre de fumer. L'impact que cela peut avoir sur les comptes de la sécurité sociale n'empêche en rien que nous sommes là dans le domaine de la liberté de chacun quant à sa santé. Je me souviens d'une très intéressante BD d'anticipation, qui explorait une société totalitaire où la sécurité sociale imposait des modes de vies « sains », décidant du lieu où chacun passerait ses vacances en fonction de son état de santé, de ce que chacun mangerait au restaurant, de chaque détail de la vie quotidienne, et où ne pas se brosser les dents régulièrement pouvait amener le « rebelle » à être radié de la sécurité sociale, n'avoir plus aucun accès au système de soins et se retrouver au ban de la société dans une existence clandestine. Notre société est démocratique, et le droit de chacun à fumer doit être reconnu comme une liberté publique.
De ces deux droits, l'un est un droit humain fondamental alors que l'autre est une liberté publique. Cela siginifie que, lorsque ces deux droits sont en concurrence, c'est le droit de ne pas inhaler de tabac qui doit l'emporter : le droit à la vie prime sur la liberté de fumer.
On peut décrire plusieurs situations où ces deux droits entrent en conflit.
• Dans les lieux où il est inévitable que de la fumée soit inhalée par des personnes qui ne le souhaitent pas
Ce premier cas justifie l'interdiction de fumer dans les locaux professionnels, les établissements recevant du public et les transports publics. Chacun doit pouvoir, s'il le désire, travailler, aller chez le médecin, faire ses courses, aller au cinéma et prendre le train sans respirer de tabac. Même les fumeurs ont ce droit, et quand je fumais j'appréciais beaucoup les lieux non-fumeurs.
• Lorsqu'une personne impose sa fumée à une personne qui ne le souhaite pas
Ce second cas amène le non-fumeur à estimer s'il peut facilement éviter la fumée (par exemple en choisissant une autre table à une terrasse, ou en s'éloignant de son interlocuteur) ou si elle lui est imposée (par exemple parce qu'il y a des fumeurs répartis sur toute la terrasse ou que son interlocuteur et lui sont dans un véhicule). S'il n'a pas le choix, il doit alors pouvoir demander au fumeur de s'abstenir ou de s'éloigner. Cela justifie que le tabagisme soit autorisé dans la rue, puisqu'on arrive assez facilement à se tenir à l'écart des fumeurs, mais cela justifie aussi que les fumeurs veillent à se placer un peu à l'écart pour laisser aux non-fumeurs un espace sans tabac (par exemple en allant fumer tout au bout du quai de gare plutôt que juste devant l'escalier). Nous avons donc là de nécessaires compromis, qui se règlent le plus souvent par la politesse courante ou des négociations plus explicites, mais qui sont parfois sources de conflit. Pourtant, il serait à mon sens exagéré d'interdire de fumer dans la rue car, avec un peu d'attention, il est possible d'y fumer sans gêner personne.
• Lorsqu'une personne impose sa fumée à une personne qui ne peut exprimer de refus
Ce troisième cas justifie notamment qu'aucune fumée de tabac ne soit imposée à des enfants. Tout lieu que fréquentent des enfants, et en premier lieu leurs domiciles, doivent être interdits au tabagisme. Certains parents ne fument qu'à l'extérieur de leur logement, mais de trop nombreux parents exposent leurs enfants au tabagisme passif pendant des années, ce qui est toxique de façon directe, et également de façon indirecte puisque cela peut entraîner une dépendance à la nicotine et augmenter le risque pour l'enfant de devenir un jour fumeur.
• Lorsqu'une personne est amenée contre son gré à fumer elle-même
Il est évident que la publicité n'est pas un échange sincère d'informations objectives, mais utilise des techniques de conditionnement pour faire prendre à une personne une décision qu'elle ne prendrait pas si on la laissait raisonner objectivement. Il s'agit de manipulation mentale visant à amener des personnes à pratiquer contre leur gré une activité qui peut s'avérer mortelle. Toute publicité pour le tabac, même indirecte, devrait être interdite. Il en va de même de toutes les formes de lobbying contre les campagnes de prévention, qui visent à limiter, par le mensonge, la compréhension des méfaits du tabac. Il en va de même de tous les additifs qui servent à augmenter la dépendance à la nicotine (l'ammoniaque, notamment) : ces additifs devraient être interdits. Nous ne sommes pas dans l'opposition loyale de deux groupes d'intérêt : le tabagisme est toxique, alors que la lutte contre le tabagime est d'utilité publique.
Ce bref tout d'horizon me permet de savoir comment je me situe.
• D'abord, je suis pour la liberté de fumer, mais seulement quand elle ne viole pas de droits fondamentaux, et notamment le droit de chacun à ne pas inhaler de tabac.
• Deuxièmement, je suis pour des campagnes défendant le droit à ne pas inhaler de tabac. Il ne suffit pas de lutter contre le tabagisme, il faut aussi lutter pour le non-tabagisme, y compris chez les gens qui n'ont jamais allumé une cigarette.
• Enfin, je suis pour l'interdiction de fumer dans les logements où habitent des enfants. Cette dernière proposition peut surprendre, mais plus j'y pense et plus je me dis que, dans vingt ans, nous serons choqués de nous souvenir que nous avons pu fumer en présence d'enfants.
Jo