83. La bise entre garçons
LORSQUE j'arrive dans le restaurant dont mon conjoint est le patron, j'avais jusqu'ici l'habitude de serrer la main des trois garçons (que je tutoie, mais dont le plus jeune me vouvoie encore, le plus souvent) et de faire la bise à l'unique fille (qui, elle aussi bien jeune, me vouvoie). Depuis deux semaines, deux des garçons me font la bise. Rien de très étonnant là-dedans : nous nous connaissons désormais depuis un bon moment, et l'ambiance dans l'établissement est plutôt familiale. Ce qui m'a amusé est de voir que les deux garçons qui se sont mis, le même jour, à me faire la bise, continuent à se serrer la main. Cela est aussi assez amusant de voir que le plus jeune me vouvoie et me fait la bise, alors qu'il tutoie son collègue et lui serre la main. À première vue, cela paraît surprenant.
Il se trouve qu'ils sont tous les deux hétérosexuels, ce qui n'est le cas ni de mon conjoint ni de moi-même. Et deux garçons hétérosexuels se font plus rarement la bise que deux garçons d'orientation sexuelle différente. Pourquoi ? Sans doute ont-ils envie, en nous faisant la bise, de nous montrer leur absence de préjugés, et peut-être aussi de nous montrer qu'ils apprécient l'atmosphère de confiance que sait établir mon conjoint. Pourtant, il existe aussi des hommes qui se font la bise uniquement tant qu'ils se croient mutuellement hétérosexuels. C'est ainsi que deux de mes oncles ont pris leurs distances, physiquement, avec moi dès le jour où ils ont appris que je vivais avec un garçon. Pas question d'embrasser une tapette, fût-elle de la famille.
Au bureau aussi, il se passe quelque chose de curieux dans la façon dont mes bises sont distribuées, mais c'est avec les femmes. J'ai l'habitude de serrer la main de tous, hommes ou femmes (sauf d'une collègue avec qui j'ai été étudiant et à qui je fais la bise depuis vingt ans). C'est moi qui refuse la bise, et la principale raison est que je tombais malade, l'hiver, à chaque fois qu'une collègue était enrhumée, et que je ne tiens donc pas à participer au joyeux partage des microbes. Pourtant, je fais la bise à deux femmes avec qui je travaille régulièrement mais qui font partie d'autres structures. En effet, comme je les croise nettement moins souvent, le risque de contagion est moindre. Aussi, quand elles se sont approchées pour m'embrasser, je n'ai pas eu mon réflexe habituel de reculer et tendre la main. Je fais donc la bise uniquement à des femmes extérieures, et pas à celle de ma structure. Là aussi, cela va à l'encontre des idées reçues, qui voudraient que j'embrasse plus facilement les personnes plus proches.
Le choix entre la poignée de main et la bise suit des logiques parfois carrément inattendues. Dans mon job précédent, je ne faisais la bise qu'à une seule collègue. C'est qu'un jour, je l'avais croisée lors d'un pot de départ, et que j'avais un dossier dans une main et un verre dans l'autre. Impossible de se serrer la main, donc impossible de refuser la bise. Comme nous nous entendions bien, il n'a jamais été question de revenir au serrement de main.
Bises à tous. Et si cela vous gêne, vous pouvez toujours essayer de tendre la main pour voir si je réponds !
Jo
Il se trouve qu'ils sont tous les deux hétérosexuels, ce qui n'est le cas ni de mon conjoint ni de moi-même. Et deux garçons hétérosexuels se font plus rarement la bise que deux garçons d'orientation sexuelle différente. Pourquoi ? Sans doute ont-ils envie, en nous faisant la bise, de nous montrer leur absence de préjugés, et peut-être aussi de nous montrer qu'ils apprécient l'atmosphère de confiance que sait établir mon conjoint. Pourtant, il existe aussi des hommes qui se font la bise uniquement tant qu'ils se croient mutuellement hétérosexuels. C'est ainsi que deux de mes oncles ont pris leurs distances, physiquement, avec moi dès le jour où ils ont appris que je vivais avec un garçon. Pas question d'embrasser une tapette, fût-elle de la famille.
Au bureau aussi, il se passe quelque chose de curieux dans la façon dont mes bises sont distribuées, mais c'est avec les femmes. J'ai l'habitude de serrer la main de tous, hommes ou femmes (sauf d'une collègue avec qui j'ai été étudiant et à qui je fais la bise depuis vingt ans). C'est moi qui refuse la bise, et la principale raison est que je tombais malade, l'hiver, à chaque fois qu'une collègue était enrhumée, et que je ne tiens donc pas à participer au joyeux partage des microbes. Pourtant, je fais la bise à deux femmes avec qui je travaille régulièrement mais qui font partie d'autres structures. En effet, comme je les croise nettement moins souvent, le risque de contagion est moindre. Aussi, quand elles se sont approchées pour m'embrasser, je n'ai pas eu mon réflexe habituel de reculer et tendre la main. Je fais donc la bise uniquement à des femmes extérieures, et pas à celle de ma structure. Là aussi, cela va à l'encontre des idées reçues, qui voudraient que j'embrasse plus facilement les personnes plus proches.
Le choix entre la poignée de main et la bise suit des logiques parfois carrément inattendues. Dans mon job précédent, je ne faisais la bise qu'à une seule collègue. C'est qu'un jour, je l'avais croisée lors d'un pot de départ, et que j'avais un dossier dans une main et un verre dans l'autre. Impossible de se serrer la main, donc impossible de refuser la bise. Comme nous nous entendions bien, il n'a jamais été question de revenir au serrement de main.
Bises à tous. Et si cela vous gêne, vous pouvez toujours essayer de tendre la main pour voir si je réponds !
Jo